Sur le bord des chemins de forêt, la plante qui soigne la piqûre d’ortie côtoie l’ortie.

La vie terrestre contient sa force et son antagonisme qui se manifestent dans le rythme des saisons. Au niveau le plus profond, elle est tissée de dégénérescence et de vitalité ; cette dualité se concrétise dans son constitué fondamental, et nous portons ce principe en nous-même. Nous savons que nous sommes biologiquement périssables. En permanence, la vie nous rappelle notre finitude, l’impermanence de toute chose, qui plus est lorsqu’elle provoque notre organisme. 

La culture, la civilisation, peuvent être ébranlées jusque dans leur base la mieux assise. La vie est actuellement submergée par sa propre contradiction. Par l’action du virus, elle détruit ce qui la représente, et elle nous appelle à son secours.

Nous sommes contraints par la vie d’assumer notre biologie en lui accordant le niveau d’attention qu’elle exige. Nous sommes précaires sous nos convictions de citoyens socialisés, mais continuerons-nous à nous convaincre que nous donnons son ampleur à notre existence en nous insurgeant contre les tenants de l’administration, les accusant de tous nos maux, et à nous composer des refuges de sécurité qui nous donnent l’illusion d’être à l’abri des affronts que la vie s’inflige à elle-même ?

Nous ne pouvons plus nous contenter d’être des écologistes idéalistes et naïfs, croyant qu’ils doivent protéger la planète, alors qu’ils en sont les destructeurs actifs, ou seulement complices, même malgré eux.

Nous cessons de croire que nous sommes naturels, qu’il suffit d’aller respirer au grand air pour se convaincre d’être un humain adéquat, soucieux de son bien-être. Notre environnement prioritaire, le premier territoire à préserver de notre propre pollution, c’est notre corps lui-même, notre réalité corporelle si fragile.

La vie nous engage à une lutte contre elle-même.

Elle nous demande de nous endurcir, c’est-à-dire ouvrir notre conscience à notre vulnérable réalité corporelle jusqu’à faire émerger les ressources de fond qui nous sont propres.

Nous aiguisons nos résistances en reconsidérant nos motivations personnelles, nos justifications, nos illusions d’invulnérabilité. Nous redéployons nos aptitudes au discernement, à la lucidité, à la conscience de soi. Nous explorons notre consistance de fond comme si nous avions oublié quelque chose de nous dans notre évolution humaine, nous fragilisant plutôt que nous rendant plus forts.

Dans un patient retour à soi, nous faisons émerger nos potentialités endormies, notre authentique élan de vivre qui peut nous mener bien plus loin que nous le croyons.

Les héros de conscience ont les ressources et la force pour accompagner énergiquement la nature à affronter ses propres tensions, et les résoudre.

Patrick Artoan 05.2021